IL Y AVAIT ces silhouettes, croisées sur les trottoirs du XII e arrondissement alors qu'il allait au lycée. Julien était adolescent. La première fois, il avait 16 ans. « C'était 100 francs la pipe, ça c'est passé dans les sanisettes du cours de Vincennes. » Il se souvient ensuite de cette prostituée « en camionnette » du bois voisin. « J'ai dû y aller cinq ou six fois en un an. Elle avait la quarantaine, un côté maternel que je recherchais sans doute. Tout un petit rituel et une jolie déco. Il n'y avait rien de glauque. On discutait de ce qu'on avait fait dans la semaine, elle parlait de ses enfants. C'était sincère. » Depuis, Julien a continué de temps à autre. Rue Saint-Denis, dans les salons de massage du IX e ou plus récemment à Bruxelles. Dans sa quête « d'expériences psychédéliques et joyeuses », il place sur le même plan quelques séances d'échangisme et tournages pornos amateurs. « J'ai eu des copines, parfois durant plusieurs années. J'ai toujours dissocié complètement les deux.
Agé de 21 ans, il était étudiant. « Je souffrais de cette frustration. Je devenais fou. J'avais besoin d'un contact physique avec une femme. De sentir son odeur. Qu'elle me serre dans ses bras... J'ai découvert que ce monde n'avait rien de sordide et que beaucoup d'hommes autour de moi étaient aussi des clients. » Depuis, Gilles n'a quasiment jamais eu de relations sexuelles en dehors des prostituées. Au point de tomber amoureux de l'une d'elles, qui n'a pas donné suite. « Je suis un grand sentimental. Je trouve qu'il y a beaucoup plus de romantisme chez les prostituées que chez les autres femmes qui sont parfois si vénales que ça me dégoûte. Rue Saint-Denis, j'y vais parfois juste pour parler, ou pour leur dire bonjour, sans monter. Beaucoup sont devenues des amies. » Parce qu'il traverse une passe financière difficile, Gilles a limité ses visites. « En moyenne, j'y allais deux fois par mois. Mais si j'avais les moyens, j'irais tous les jours. »
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Je voudrais vérifier. En cliente? « Pas crédible. Il y a très rarement des femmes, et toujours accompagnées. Dans ces cas, Madame offre à Monsieur, à 40 ans passés ». En lesbienne seule? Des légendes circulent, mais elle n'en a jamais vu. En parlant avec d'autres employées, alors? « Même entre nous on dit sans dire, alors une journaliste... » On convient ensemble d'une stratégie: je me présente comme performeuse candidate à l'embauche, et je traîne. Tous les prénoms ont été modifiés. Caresses = pas de prostitution? « Les caresses soft sont autorisées, à condition de garder le string. Mais pas de prostitution », m'explique le patron. Caresses soft, caresses hard, c'est énigmatique. Quand l'endroit se remplit, une boîte de vitre sans tain dévoile un spectacle à géométrie variable, visible depuis plusieurs cabines où il faut glisser deux euros pour voir quelques minutes. S'il y a un performeur masculin avec une ou plusieurs filles, les caresses sont réelles, mais la pénétration est simulée avec un gode.
Si tu as l'air propre sur toi, je pense que 70% accepte, 10% refuse car pas besoin d'argent, 20% refuse par honneur
Qui est prêt à débourser 10 000 € pour une pipe par la première venue, voilà la vraie question
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« Les cabines sont minutées. Juste avant que ton temps soit fini, la fille te dit "je pratique la fellation". Tu remets de l'argent, et là elle sort un sexe en plastique et le suce devant toi. Tu peux toujours courir pour réclamer. Sandra ne me la fait pas, on se respecte, on se connaît bien. Je l'ai même aidé à refaire son appartement ». Est-ce qu'ils se voient en dehors pour faire commerce? « Non », répond Philippe: Parfois on se croise dans le quartier, on boit un godet. Je vais la voir à son travail, je vais en cabine et là il y a un « petit plus » entre amis: je lui laisse un pourboire, elle me remercie, voilà tout ».